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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ses idées et capable de plus encore. C’est l’histoire de Berlioz ; l’exemple précédent s’appliquerait à Mendelssohn. L’un et l’autre manquent d’idées, et ils cachent de leur mieux cette absence capitale par tous les moyens que leur suggèrent leur habileté et leur mémoire.

Il y a peu de musiciens qui n’aient trouvé quelques motifs frappants. L’apparition de ces motifs dans les premiers ouvrages du compositeur donne une idée avantageuse de son imagination ; mais ces velléités sont trop tôt suivies d’une langueur mortelle. Ce n’est point cette heureuse facilité des grands maîtres qui prodiguent les motifs les puis heureux souvent dans de simpies accompagnements ; ce n’est plus cette richesse d’un fonds toujours inépuisable et toujours prêt à se répandre, qui fait que l’artiste trouve toujours sous la main ce qu’il lui faut, et ne passe pas son temps à chercher sans cesse le mieux et à hésiter ensuite entre plusieurs formes de la même idée. Cette franchise, cette abondance, est le plus sûr cachet de la supériorité dans tous les arts. Raphaël, Rubens ne cherchaient pas les idées ; elles venaient à eux d’elles-mêmes, et même en trop grand nombre. Le travail ne s’applique guère à les faire naître, mais à les rendre le mieux possible par l’exécution.

Jeudi 19 février. — Dîné chez Desgranges. Le hasard me place encore auprès de Rayer : j’ai été étonné de sa sobriété. Je voudrais me rappeler plus