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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Samedi 14 février. — Dîné chez le préfet. Je devais le soir mener Varcollier chez Chabrier ; il n’a pu venir.

Dimanche 15 février. — Symphonie en sol mineur de Mozart, au concert Sainte-Cécile. J’avoue que je m’y suis ennuyé un peu.

Le commencement (et je crois un peu que c’était parce que c’était le commencement), indépendamment du vrai mérite, m’a fait beaucoup de plaisir. L’ouverture et un finale d’Obéron[1]. Ce fantastique de l’un des plus dignes successeurs de Mozart a le mérite de venir après celui du maître divin, et les formes en sont plus récentes. Ça n’a pas encore été aussi pillé et rebattu par tous les musiciens, depuis soixante ans. — Chœur de Gaulois par Gounod, qui a tout l’air d’une belle chose ; mais la musique a besoin d’être appréciée à plusieurs reprises.

Il faut aussi que le musicien ait établi l’autorité ou seulement la compréhension de son style par des ouvrages assez nombreux. Une instrumentation pédantesque, un goût d’archaïsme donnent quelquefois dans l’ouvrage d’un homme inconnu l’idée de l’austérité et de la simplicité. Une verve quelquefois déréglée, soutenue de réminiscences habilement plaquées et d’un certain brio dans les instruments, peut faire l’illusion d’un génie fougueux emporté par

  1. L’opéra de Weber.