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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qu’on peut faire le bien entre gens réunis pour discuter.

L’allégorie des hommes qui forgent le même fer représente assez bien l’idéal d’un gouvernement auquel concourent plusieurs personnes. Malheureusement, ce n’est qu’une image propre pour un tableau. Depuis le peu de temps que je suis là, je me suis convaincu que la raison avait peu d’ascendant, qu’un rien la rendait maussade, malgré tous les soins de la présenter du côté séduisant. L’entraînement, la vanité conduisent les meilleures têtes. Dans la question du chauffage de l’hôpital du Nord, deux systèmes étaient en présence : le plus spécieux était celui d’une imposante commission de savants et défendu avec beaucoup d’éloquence par notre confrère Pelouze[1], savant lui-même et partisan de la théorie en général. Les bonnes têtes se rangeaient évidemment pour ce système si bien défendu. L’autre avait l’air de l’être par des gens intéressés. Sur cela, Thierry[2] veut en introduire un troisième qui est repoussé avant d’avoir été entendu. Que croyez-vous que fût au fond l’opinion de la plupart des membres et de Thierry lui-même, comme je l’ai su, en le leur demandant ? Exactement

    racontait qu’il prenait cette fonction très au sérieux, et qu’il lui avait dit le jour de sa nomination : « Je vais donc être de ceux auxquels on demande quelque chose. » Pourtant le passage du Journal ne laisse aucun doute sur l’estime médiocre en laquelle il tenait la majorité de ses collègues.

  1. Théophile-Jules Pelouze, chimiste, membre de l’Institut. On lui doit un grand nombre de mémoires et un Traité de chimie générale analytique très apprécié.
  2. Alexandre Thierry (1803-1858), chirurgien et ancien directeur des hôpitaux.