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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sées est toujours sous la main ; ses sublimes idées, si variées, sont traduites par des formes que les gens superficiels accusent de monotonie, sans parler de leurs autres griefs. Cette monotonie ne déplaît pas à l’homme profond qui a sondé les secrets de l’art. Ce retour aux mêmes formes est à la fois le cachet du grand maître et en même temps la suite de l’entraînement irrésistible d’une main savante et exercée. Il en résulte l’impression de la facilité avec laquelle ces ouvrages ont été produits, sentiment qui ajoute à la force de l’ouvrage.

Dimanche 1er février. — Pierret m’apprend que les belles tapisseries se sont vendues à deux cents francs pièce : il y en avait là de très belles et des Gobelins, avec des fonds d’or. Un chaudronnier les a achetées pour les brûler et en retirer le métal.

Lundi 2 février. — Mme Sand[1] arrivée vers quatre heures… Je me reprochais, depuis qu’elle est ici, de n’avoir pas été la voir. Elle est fort souffrante,

  1. Il semble que, dans les relations très assidues de George Sand avec Delacroix, celle-ci ait fait toutes les avances ; non que Delacroix ne ressentit pour elle une réelle sympathie, il ne pouvait demeurer insensible à la franchise et à la bonhomie de sa nature ; ce qu’il prisait infiniment moins, c’était son talent et surtout ses théories humanitaires, qui avaient le don de l’exaspérer. Nous avons longuement insisté sur les convictions philosophiques du maître touchant la question du progrès : George Sand demeurait toujours à ses yeux la vivante incarnation de ces théories. Quant à George Sand, son admiration pour Delacroix fut toujours sans réserve, comme son amitié.