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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

— M. de Gadillan me parle longuement d’une affaire que Berryer doit plaider pour des domestiques auxquels leur maître a légué sa fortune ; ce jeune homme, qui travaille avec lui continuellement et lui prépare ses affaires, me le fait voir bien plus grand encore que je ne le croyais. Il me parle de son désintéressement, de son mépris de ce qui est en dessous de lui. Il ne veut pas aller à Orléans ni je ne sais où, plaider pour M. Jouvin, gantier, qui ne lui demande que quelques instants de son talent et lui offre dix mille francs pour cela.

2 novembre. — J’ai été bien frappé de la messe des Morts, de tout ce qu’il y a dans la religion pour l’imagination, et en même temps combien elle s’adresse au sens intime de l’homme.

Beati mites, beati pacifici : quelle doctrine a jamais fait ainsi, de la douceur, de la résignation, de la simple vertu, l’objet unique de l’homme sur la terre !

Beati pauperes spiritu : le Christ promet le ciel aux pauvres d’esprit, c’est-à-dire aux simples. Cette parole est moins faite pour abaisser l’orgueil dans lequel se complaît l’esprit humain quand il se considère, que pour montrer que la simplicité du cœur l’emporte sur les lumières.

3 novembre. — Pluie ; le temps se remet le soir. Promenade, après déjeuner, sous les pins, avec Richomme et L… Berryer vient nous joindre avant dîner.