Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/498

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

été plus agréable sans le froid, dont je ne pouvais me garantir malgré mes précautions.

Arrivé vers une heure à Augerville. Personne n’était là ; j’ai été trouver Berryer et ces dames dans le parc.

Il y a peu de monde ; cela met moins d’entrain. La princesse n’y est pas, Mme de la Grange non plus, Mme de Suzannet non plus ; cela fait beaucoup de charme de moins. L’ami de Berryer, Richomme[1], est un bonhomme très amusant.

Le soir, jetais très fatigué et suis monté après la musique. Petits morceaux de Batta, de sa composition, très gracieux.

Berryer nous conte à dîner sa visite au fameux Dugas, d’Amiens, pour lui commander un pâté. Il le trouve dans son cabinet, dans une robe de chambre à grands ramages et avec la gravité convenable, tirant de son tiroir les assaisonnements de ses pâtés, qu’il distribuait à ses garçons et à ses fils chargés aussi de la confection, et graduant les doses à raison de la proportion du pâté ou du lieu où on devait l’employer. Il s’informait aussi du moment où on devait manger le pâté.

C’était à dîner ; on parlait beaucoup de cuisine,

  1. Mme Jaubert donne sur Richomme les détails suivants : « L’intérieur de Berryer paraîtrait incomplet si l’on n’y retrouvait la figure de son fidèle Richomme, qui avait débuté dans la même étude d’avoué que lui, tous deux clercs et compagnons de plaisir… Une déraison pleine de comique, des lueurs de bon sens et de sensibilité, une gaieté inaltérable avec un grain de malice, tel était l’hôte admis au foyer de Berryer, sans que jamais il pût sentir que la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. »