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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

trois heures passées avec frénésie. Je ne pouvais m’en détacher. J’ai avancé la grisaille du Marocain qui monte à cheval[1], le Combat du lion et du tigre[2], la petite Femme d’Alger avec un lévrier[3], et mis de la couleur sur le carton de l’Hamlet et Polonius à terre[4].

La promenade, après un pareil temps de travail, est vraiment délicieuse. Le temps est toujours très beau. Il faut décidément, le matin, que je ne jouisse de la campagne que de mes fenêtres ; la moindre sortie me dissipe et me condamne à l’ennui le reste de la journée, par la difficulté de retrouver de l’entrain pour le travail ensuite.

Je suis descendu jusqu’à la rivière et ai été revoir la vue de Trousseau que j’avais faite sur le carton : cela n’était point du tout semblable. Le paysage qu’il me faut n’est pas le paysage absolument vrai ; et cette absolue vérité est-elle encore dans les paysagistes qui ont fait vrai, mais qui sont restés classés comme de grands artistes ? Rien n’égale, à ce qu’il semble, la vérité des Flamands ; mais combien n’y a-t-il pas de l’homme dans l’œuvre de cette école ! Les peintres qui reproduisent tout simplement leurs études dans leurs tableaux ne donneront jamais au spectateur un vif sentiment de la nature. Le spec-

  1. Voir Catalogue Robaut, no 1076.
  2. Voir Catalogue Robaut, nos 1304 à 1307.
  3. Voir Catalogue Robaut, no 1045.
  4. Voir Catalogue Robaut, no 589 et 766.