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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tion qui anime toute une assemblée comme elle animerait un seul homme, doit être exprimée absolument. La raison veut que Mirabeau soit à leur tête et que les autres se pressent derrière lui, attentifs à ce qui se passe : tous les esprits, comme celui du spectateur, sont fixés sur l’événement. Sans doute, au moment où le fait a eu lieu, Mirabeau ne s’est pas trouvé à point nommé placé comme au milieu du tableau ; la venue de M. de Brézé n’a peut-être pas été annoncée de manière à trouver l’Assemblée réunie en un seul groupe pour le recevoir et en quelque sorte pour lui faire tête ; mais le peintre ne peut exprimer autrement cette idée de résistance : l’isolement du personnage de Brézé est indispensable. Il est venu, sans aucun doute, avec des suivants et des estafiers, mais il doit s’avancer seul et les laisser à distance. Chenavard commet l’incroyable faute de les faire arriver d’un côté, tandis que Brézé arrive de l’autre et se trouve confondu avec ses adversaires. Dans cette scène si caractéristique où le trône est d’une part et le peuple de l’autre, il place au hasard Mirabeau du côté où se voit le trône, sur lequel, autre inconvenance, montent des ouvriers pour décrocher les draperies. Il fallait que le trône fût aussi isolé, aussi abandonné qu’il l’était alors moralement par tout le monde et par l’opinion, et surtout il fallait que l’Assemblée lui fît face.

5 octobre. — Redemander à Riesener une gravure