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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

faire renaître. Excepté un seul être au monde qui fait véritablement battre mon cœur, le reste me fatigue vite et ne laisse pas de traces.

3 octobre. — A Sémiramis, le soir, avec Mme de Forget.

Remis ce matin à M. Pothey, graveur sur bois, le dessin sur papier végétal du Christ au tombeau, de Saint-Denis du Saint-Sacrement.

4 octobre. — J’ai compris de bonne heure combien une certaine fortune[1] est indispensable à un homme qui est dans ma position. Il serait aussi fâcheux pour moi d’en avoir une très considérable qu’il le serait d’en manquer tout à fait. La dignité, le respect de son caractère ne vont qu’avec un certain degré d’aisance. Voilà ce que j’apprécie et qui est absolument nécessaire, bien plus que les petites commodités que donne une petite richesse. Ce qui vient tout de suite après cette nécessité de l’indépendance, c’est la tranquillité d’esprit, c’est d’être affranchi de ces troubles et de ces démarches ignobles,

  1. Nous nous sommes appliqué dans notre Étude à faire ressortir l’analogie qui existait entre certaines faces de son esprit et les faces correspondantes de l’esprit de Stendhal, notamment en ce qui touche ce que nous avons appelé les principes directeurs de la vie. N’est-il pas intéressant de constater ici encore cette analogie et de rapprocher de ce fragment du Journal le passage suivant de Stendhal : « L’homme d’esprit doit s’appliquer à acquérir ce qui lui est strictement nécessaire pour ne dépendre de personne ; mais si, cette sûreté obtenue, il perd son temps à augmenter sa fortune, c’est un misérable. »