Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

m’offre de me mener demain voir la forêt d’Arqués.

Dîné assez tristement. Dédommagé sur la plage par un soleil couchant dans des bandes de nuages rouges et dorés sinistrement, se réfléchissant dans la mer, sombre partout où ce reflet ne se portait pas. Je suis resté plus d’une demi-heure immobile sur le sable et touchant aux vagues, sans me lasser de leur fureur, de leur retour, de cette écume, de ces cailloux roulants.

Ensuite sur la jetée, où il faisait un vent du diable. Rôdé dans les rues après avoir pris du thé et couché à dix heures.

18 septembre. — J’ai passé une partie de la nuit sans dormir, et l’état où je me trouvais n’avait rien de désagréable. La puissance de l’esprit est incroyable la nuit. J’ai pensé à la conversation d’hier sur l’esprit et la matière.

Dieu a mis l’esprit dans le monde comme une des forces nécessaires. Il n’est pas tout, comme le disent ces fameux idéalistes et platoniciens ; il y est comme l’électricité, comme toutes les forces impondérables qui agissent sur la matière.

Je suis composé de matière et d’esprit : ces deux éléments ne peuvent périr.

J’ai écrit toute la matinée des brouillons faisant suite à mes réflexions qui sont ici sur l’état militaire. Sorti allègrement. Vu à la jetée de fort belles vagues. J’ai trouvé là, je crois, Isabey.