Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
444
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

profonde blessure : peut-être ne pouvant se souffrir dans le sentiment de son impuissance, cherche-t-il à se donner le change en ne trouvant qu’impuissance partout ? Il a toutes sortes de talents, et tout cela est mort ; il compose, il dessine, on lui rend froidement justice : c’est tout ce qu’on peut faire. On est étonné dans sa conversation de tout ce qu’il sait et de tout ce qu’il semble ajouter aux idées des autres. Il n’aime pas la peinture, et il en convient. Que n’écrit-il, que ne rédige-t-il ? Il se croit capable de le faire et y a réussi, dit-il, quelquefois ; mais il avoue qu’il lui faut prendre trop de peine pour exprimer ses idées. Cette excuse trahit sa faiblesse. Que ne fait-il comme son admirable Rousseau ? Celui-là avait incontestablement quelque chose à dire, et il l’a dit très bien, malgré la difficulté qu’il trouvait à le faire, et dont il tire presque vanité.

Ai-je écrit ceci sous une impression plus mauvaise qu’à l’ordinaire ? Nullement, car il me plaît ; je l’aime presque et voudrais le trouver plus aimable ; mais j’en suis toujours revenu aux idées que j’exprime ici.

9 septembre. — Mauvaise journée, suite du détestable dîner d’hier, J’ai essayé toute cette matinée de combattre cette mauvaise disposition en travaillant, en écrivant sur ce livre.

Sorti au milieu de la journée pour voir appareiller deux navires, dont l’un était resté longtemps sous ma fenêtre pour se charger de chaux. Revenu très souf-