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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

entrer un beau brick, par la lune et une mer suffisamment agitée. C’est un beau spectacle. Je l’ai suivi, en revenant sur mes pas : la lune était en face et donnait de superbes effets dans l’eau et en détachant la masse et les agrès des bâtiments.

En sortant de chez le traiteur, admiré également au clair de lune les arbres et le fond des montagnes.

Mon diable de compagnon n’exalte jamais que ce qui est hors de notre portée. Kant, Platon, voilà des hommes ! ce sont presque des dieux ! Si je nomme un moderne auquel nous touchions du doigt, il le déshabille à l’instant, me fait toucher ses plaies et ne laisse rien debout… Il n’est pas admiratif, dit-il, et il paraît. Il est intéressant et il repousse. La parfaite vertu ou la parfaite bonne foi peuvent-elles repousser ? Une âme délicate peut-elle loger dans une enveloppe sordide ? S’il prend un dessin pour l’examiner, il le manie, il le retourne sans ménagement, pose ses doigts sur le papier, comme s’il s’agissait du premier objet venu.

Je crois qu’il y a une affectation dans cette espèce de dédain de ce qui demande à être ménagé ; l’âme orgueilleuse et révoltée intérieurement de ce cynique se fait jour, malgré lui, dans ce mépris apparent de la délicatesse commune ; cet esprit a reçu quelque

    réflexion du ciel dans les flaques d’eau ; les bords sont très brillants et argentés, et le milieu est bleuâtre ; ou bien les bords sont bleu étain et le milieu couleur de sable. Ces tons couleur de sable se voient souvent dans la mer. Le sable du bord de la mer toujours plus foncé que celui qui est un peu plus éloigné, parce qu’il est plus mouillé. »