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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

lumes de Bragelonne, qui vont continuer par malheur à l’endroit le plus intéressant, lui manquent, et qu’il se propose de les faire venir de Paris. Voici une des tribulations de Dieppe que j’éprouvais encore il y a deux ans en lisant l’histoire de Balsamo. J’ai pris le Provincial à Paris, de Balzac : c’est à lever le cœur ; cela ne peint que les petits détails de l’existence des roués de 1840 à 1847 : détails de coulisse ; ce que c’est qu’un rat, l’histoire du châle Sélim vendu à une Anglaise. Dans une très fameuse préface, l’éditeur met Balzac à côté de Molière, en disant que de son temps, il eût fait les Femmes savantes et le Misanthrope, et que Molière eût fait de notre temps la Comédie humaine. Ce qui lui paraît faire de Balzac un homme à part dans notre temps, c’est qu’au contraire de la plupart des écrivains de ce temps-ci, ses ouvrages portaient le cachet de la durée ; et il nous dit cela en tête de cette rapsodie où il n’est question que des petits mots de l’argot du jour et de toutes ces variétés de figures méprisables, affublées du petit travers du moment, figures et moment dont l’histoire ne gardera pas même de mémoire.

Autre promenade aussi charmante au cours Bourbon avant dîner. Passé le petit pont et été jusqu’au pied des collines dégarnies qui prolongent le Pollet. Admiré toute cette nature et étudié encore dans l’arrière-port les mâtures des navires.

Le soir, à la jetée ; je suis descendu, au clair de lune, m’asseoir sur le galet tout auprès de la mer.