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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Je me figure à merveille la jouissance que trouve dans le repos cette foule d’hommes que nous voyons accablés de travaux rebutants ; et je ne parle pas seulement des pauvres gens qui travaillent pour le pain de chaque jour : je parle aussi de ces avocats, de ces hommes de bureau, noyés dans les paperasses et occupés sans cesse d’affaires fastidieuses on qui ne les concernent pas. Il est vrai que la plupart de ces gens-là ne sont guère tourmentés par l’imagination ; ils trouvent même dans leurs machinales occupations une manière comme une autre de remplir leurs heures. Plus ils sont bêtes, moins ils sont malheureux.

Je finis en me consolant avec ce dernier axiome, que c’est à force d’avoir de l’esprit que je m’ennuie, non pas à présent au moins et en vous écrivant ; je viens au contraire de passer une demi-heure agréable en m’adressant à vous, chère amie, et en vous parlant à ma manière de ce sujet qui intéresse tout le monde. Ces idées, à leur tour, vous feront peut-être passer cinq minutes avec quelque plaisir, quand vous les lirez, surtout en souvenir de la véritable affection que je vous porte.  »


26 août. — Tous les matins, je vais sur la plage ou vers les rochers à fleur d’eau, quand la marée est basse. Un de ces jours, fatigué beaucoup en m’avançant jusqu’au sable où de pauvres femmes ramassaient des équilles, en creusant avec une sorte de trident.

Dans la journée, reçu une lettre du cousin Delacroix