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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Lettre à Mme de F… et qui a du rapport avec ce que j’ai écrit le 12 août courant.

« Je vous écris bien tard ; j’ai été ballotté de logement en logement, avant de me fixer ; enfin, me voici sur le quai Duquesne, en pleine marine ! Je vois le port et les collines du côté d’Arqués : c’est une vue charmante, et dont la variété donne des distractions continuelles, quand on ne sort pas. Je suis ici, comme à mon ordinaire, ne voyant personne, évitant de me trouver là où je puis rencontrer des gens ennuyeux. J’en ai trouvé deux ou trois en débarquant ; nous nous sommes promis, juré même de nous voir tous les jours ; mais comme je ne mets jamais le pied dans l’établissement, qui est le rendez-vous de tout le monde, il y a de grandes chances que je ne les rencontrerai pas. J’ai eu recours à ma ressource ordinaire, pour bannir l’ennui des moments où je ne sais que faire : j’ai loué un roman de Dumas, et avec cela j’oublie quelquefois d’aller voir la mer. Elle est superbe depuis hier : les vents vont commencer à souffler, et nous aurons de belles vagues. Je vous plains d’avoir déjà fini vos excursions, moi qui suis au commencement des miennes ; mais Paris vous plaît plus qu’à moi. Hors de Paris, je me sens plus homme ; à Paris, je ne suis qu’un monsieur. On n’y trouve que des messieurs et des dames, c’est-à-dire des poupées ; ici, je vois des matelots, des laboureurs, des soldats, des marchands de poisson.
La grande toilette de ces dames, toutes à la der-