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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Trouvé aujourd’hui, avant dîner, en revenant du Pollet, le pauvre cheval étendu par terre et que je croyais mort. Il était à la vérité mourant[1].

25 août. — Le soir chez Mme Scheppard, que j’avais rencontrée il y a cinq ou six jours ; elle partait, ainsi que sa fille, pour aller entendre les chansonnettes de Levassor, quelle appelait un concert[2]. J’ai résisté à son invitation de l’accompagner et ai été promener, sur la jetée et dans l’obscurité, la toilette dont j’avais fait les frais contre mon ordinaire depuis que je suis ici et qui était à son intention.

Dans la promenade de ce matin, étudié longuement la mer. Le soleil étant derrière moi, la face des vagues qui se dressait devant moi était jaune, et celle qui regardait le fond réfléchissait le ciel. Des ombres de nuages ont couru sur tout cela et ont produit des effets charmants : dans le fond, à l’endroit où la mer était bleue et verte, les ombres paraissaient comme violettes ; un ton violet et doré s’étendait aussi sur les parties plus rapprochées quand l’ombre les couvrait. Les vagues étaient comme d’agate. Dans ces parties ombrées, on retrouvait le même rapport de vagues jaunes, regardant le côté du soleil, et de parties bleues et métalliques réfléchissant le ciel.

  1. Delacroix a fait un croquis à la mine de plomb de ce vieux cheval. (Voir Catalogue Robaut, no 1205.)
  2. Levassor, le célèbre comique du Palais-Royal, faisait de fréquentes tournées en province, où il débitait des chansonnettes, des scènes comiques de son répertoire.