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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qui est à Saint-Jacques. Je ne sais où j’ai écrit ces jours-ci que cette vue me confirmait aussi cette idée de Chenavard, à savoir, que le christianisme aime le pittoresque. La peinture s’allie mieux que la sculpture avec ses pompes et s’accorde plus intimement avec les sentiments chrétiens.

Dîné encore ce jour à l’Hôtel du Géant et trouvé notre logement sur le port. La vue qu’on a de la fenêtre me transporte, et je crois faire une excellente affaire en le payant cent vingt francs pour un mois.

19 août. — Installation dans le logement qui présente mille inconvénients : nous le croyons horrible et insupportable, et nous finissons par nous y habituer. Les plus petits événements de ma vie présentent, comme ce qui m’est arrivé de plus important, les mêmes phases et les mêmes accidents. Un projet se présente avec toutes les séductions : à peine embarqué, mille contrariétés surgissent qui semblent devoir tout arrêter et rendre tout détestable. La volonté ou le hasard fait que les difficultés s’aplanissent et que la situation devient tolérable d’abord et quelquefois excellente. Chaque homme a-t-il sa destinée réellement écrite et tracée, comme il a sa figure et son tempérament ? Quant à moi, et jusqu’ici, je n’hésite pas à en être convaincu. Je suis un homme très heureux au demeurant, et il a toujours fallu acheter chaque avantage par quelque combat. J’ai recueilli par là quelques faveurs du destin, accordées