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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

malheurs ou à l’embarras, perd le sentiment du devoir au sein d’une situation qu’il améliore facilement et qu’il veut améliorer sans fin. (Au chapitre du labourage à la mécanique, etc., Girardin, etc.)

17 août. — Parti pour Dieppe à neuf heures du matin. Mille embarras pour s’embarquer, et bonheur délicieux une fois parti.

Je suis à côté d’un grand gaillard qui a l’air d’un Flamand, mais dans une tenue de voyage irréprochable : chapeau de feutre anglais, gants serrés et boutonnés, canne délicieuse. Il lit dédaigneusement un journal et adresse de temps en temps la parole à un homme, en face de lui, proprement vêtu, mais sans recherche, figure assez sérieuse, qui médite de son côté sur le journal et que je prends pour un homme de mérite. Mon gros élégant demande à l’homme de mérite en noir des nouvelles de l’endroit qu’il va habiter. « C’est un trou, dit-il, vous allez périr d’ennui. » Je me dis que c’était un homme difficile à amuser, nouvelle confirmation de sa supériorité.

Après avoir épuisé l’un et l’autre cette lecture qui les empêchait sans doute de jeter les yeux sur toute cette nature au milieu de laquelle nous nous sentions emportés, et dont la vue me remplissait de bonheur, mes deux hommes se mettent à causer. L’homme en noir demande à l’homme en manchettes et à canne ce que devient Un tel, s’il y a longtemps qu’il ne