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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

11 août. — Rapporté de chez Beugniet huit pastels : il en avait rapporté deux auparavant : les Roses trémières, etc. ; il en a encore huit.

12 août. — Balancer les avantages de la vie chez l’homme qui réfléchit et chez l’homme qui ne réfléchit pas : le gentilhomme campagnard, né au milieu de l’abondance champêtre de ses champs et de son manoir, passant sa vie à chasser et à voir ses voisins, avec celle de l’homme adonné aux distractions modernes, lisant, produisant, vivant d’amour-propre ; ses rares jouissances, celles des belles choses peuvent-elles se comparer ? Malheureusement, il sent à merveille ce qui lui manque : au sein de l’aridité qu’il trouve quelquefois dans son bonheur abstrait, il sent vivement la jouissance que ce serait pour lui de vivre en plein air, dans une famille, dans une vieille maison et un domaine antique, où il a vu ses pères. Par contre, le campagnard qui n’est que cela, jouit grossièrement, s’enivre, vit de commérages, et n’apprécie pas le côté noble et vraiment heureux de son existence.

Contradiction de l’opinion des hommes sur ce qui fait le malheur : chapitre des malheurs nécessaires. Le vrai malheur pour le campagnard, qui n’évite l’ennui après la chasse qu’en allant dormir comme ses chiens, comme pour le philosophe qui soupire après le bonheur des champs, c’est la souffrance, la maladie : ni l’un ni l’autre, alors qu’il est malade, ne se trouve malheureux de la vie qu’il est forcé de mener ; et,