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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

les rendre plus frappantes ; je dis frappantes pour l’esprit, car pour l’œil, ses fonds sont calculés en général pour outrer plutôt par le contraste la couleur des figures. Les paysages du Titien, de Rembrandt, du Poussin, sont en général en harmonie avec leurs figures. Chez Rembrandt même — et ceci est la perfection — le fond et les figures ne font qu’un. L’intérêt est partout : vous ne divisez rien, comme dans une belle vue que vous offre la nature et où tout concourt à vous enchanter. Chez Watteau, les arbres sont de pratique : ce sont toujours les mêmes, et des arbres qui rappellent les décorations de théâtre plus que ceux des forêts. Un tableau de Watteau mis à côté d’un Ruysdaël ou d’un Ostade perd beaucoup. Le factice saute aux yeux. Vous vous lassez vite de la convention qu’ils présentent et vous ne pouvez vous détacher des Flamands.

La plupart des maîtres ont pris l’habitude, imitée servilement par les écoles qui les ont suivis, d’exagérer l’obscurité des fonds qu’ils mettent aux portraits ; ils ont pensé ainsi rendre les têtes plus intéressantes, mais cette obscurité des fonds, à côté de figures éclairées comme nous les voyons, ôte à ces portraits le caractère de simplicité qui devrait être le principal. Elle met les objets qu’on veut mettre en relief dans des conditions tout à fait extraordinaires. Est-il naturel, en effet, qu’une figure éclairée se détache sur un fond très obscur, c’est-à-dire non éclairé ? La lumière qui arrive sur la personne ne