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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Enfin le Musée. Fait un croquis d’après Cranach. Admiré les Ames du purgatoire, c’est de la plus belle manière de Rubens. Je ne pouvais me détacher du tableau de la Trinité, du Saint François, de la Sainte Famille, etc. Enfin, le jeune homme qui copie le grand Christ en croix ma prêté son échelle, et j’ai vu le tableau dans un autre jour. C’est du plus beau temps ; la demi-teinte est franchement tournée dans la préparation et les touches hardies de clair et d’ombres mises dans la pâte très épaisse, surtout dans le clair. Comment ne me suis-je aperçu que maintenant à quel point Rubens procède par la demi-teinte, surtout dans ses beaux ouvrages ? Ses esquisses auraient dû me mettre sur la voie. Contrairement à ce qu’on dit du Titien, il ébauche le ton des figures qui paraissent foncées sur le ton clair. Cela explique aussi qu’en faisant le fond ensuite et par un besoin extrême de faire de l’effet, il s’applique à rendre les chairs brillantes outre mesure en rendant le fond obscur. La tête du Christ, celle du soldat qui descend de l’échelle, les jambes du Christ et celles de l’homme supplicié très colorées dans la préparation, et clairs posés seulement à petites places. La Madeleine remarquable pour cette qualité : on voit clairement les yeux, les cils, les sourcils, les coins de la bouche dessinés par-dessus, je crois, dans le frais, contrairement à Paul Véronèse.

Se rappeler aussi les Ames du purgatoire. La demi-teinte tournée est évidente dans les figures du