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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

disait que les saisons n’étaient plus comme autrefois.

Il faut mettre ceci avec les réflexions du mercredi sur les malheurs nécessaires. Je disais dans ces réflexions que tout doit changer et subir des révolutions autour de l’homme, mais que son esprit changeait aussi et voyait les mêmes objets d’un œil différent. A mesure que son corps se modifie par l’âge et les accidents, il ne sent plus de la même manière. La morosité des vieillards est un effet de ce commencement de destruction de leur machine ; ils ne trouvent plus de saveur ni d’intérêt dans rien. Il leur semble que c’est la nature qui décline et que les éléments vont se confondre, parce qu’ils ne voient plus, ne sentent plus, qu’ils sont offensés par ce qui autrefois leur plaisait.

Il est des accidents qui dans certains pays sont considérés comme d’affreux malheurs, et qui ne font dans d’autres nulle impression. L’opinion place l’homme même et le déshonore dans les choses les plus diverses. Un Arabe ne peut supporter l’idée qu’un étranger ait aperçu, même fortuitement, le visage de sa femme. Une femme arabe mettra son point d’honneur à se cacher soigneusement : elle relèverait volontiers sa robe en découvrant le reste de son corps pour s’en voiler la tête.

Il en est de même des accidents dont on tire des présages heureux ou malheureux. En France et, je crois, chez les peuples européens, c’est un présage des plus funestes pour un cavalier et surtout pour un