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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

L’état de la santé y était pour quelque chose. Enchanté du voyage, surtout à partir d’Étampes ; nous nous sommes mis là en voiture, et nous avons fait nos sept à huit lieues, comme autrefois, au petit trot à travers une campagne un peu poudreuse, grâce à la grande chaleur, mais de cette vraie campagne, qu’on ne trouve pas aux environs de Paris ; cela m’a rappelé de jeunes années et de bons moments : le Berry, la Touraine sont ainsi.

L’arrivée charmante : c’est un séjour arrangé par lui, plein de vieilles choses que j’adore. Je ne connais pas d’impression plus délicieuse que celle d’une vieille maison de campagne ; on ne trouve plus dans les villes la trace des vieilles mœurs : les vieux portraits, les vieilles boiseries, les tourelles, les toits pointus, tout plaît à l’imagination et au cœur, jusqu’à l’odeur qu’on respire dans ces anciennes maisons. On trouve là reléguées de ces images qui ont amusé notre enfance et qui étaient nouvelles alors. Il y a ici une chambre dont les peintures à la détrempe existent encore, qui a été habitée par le grand Condé. Ces peintures sont d’une fraîcheur étonnante ; les dorures rehaussées n’ont point souffert.

Berryer, qui est la bonté et la facilité mêmes, nous a promenés partout. Il a un vivier dans son parc et de l’eau partout ; étables magnifiques avec un taureau superbe. Il faut absolument être loin de Paris pour trouver cela ; je n’ai pas une de ces émotions-là à Champrosay.