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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

5 mai. — Comité à neuf heures pour le collège Stanislas.

Il n’y a plus en France, et je dirai ailleurs, d’état intermédiaire : ou Jésuites ou septembriseurs ; il faut subir l’un ou l’autre régime. Cette introduction avouée, sollicitée par l’État, des ecclésiastiques dans l’éducation, est une tendance dans laquelle on ne peut s’arrêter que pour tomber fatalement dans l’extrémité contraire.

7 mai. — Dîné chez Barbier. Dagnan[1] me conte l’histoire de Cabarrus qui, directeur de la banque de Charles III, est chargé par lui de porter en France trois millions pour faire évader Louis XVI au moment de son jugement. Sa maîtresse, la duchesse de Santa-Cruz, lui arrache son secret ; il était entendu avec le Roi qu’il irait seul en France, qu’on ne donnerait de chevaux qu’à lui, qu’il serait signalé, mais qu’il fallait qu’il fût seul. Il consent à emmener la duchesse habillée en domestique. Il est arrêté en route ; impossibilité d’aller plus avant. Il parlemente, s’obstine, bref, on envoie à Madrid ; pendant ce temps qu’il perd, le procès de Louis XVI va son train, et il arrive à Paris pour voir le roi guillotiné.

Caton disait, à la fin de sa vie, qu’il ne se repentait

  1. Isidore Dagnan (1794-1873), paysagiste de mérite.