Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
347
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

pour y travailler autrement que vaguement. J’achève des tableaux qui m’étaient demandés ; surtout je jouis du bonheur de n’être pas dérangé… Vous ne vous doutez pas, vous autres voluptueux, quand, en vous levant le matin, vous trouvez l’air un peu refroidi, qu’il y a çà et là dans le même pays que vous habitez des milliers de malheureux qui sont au désespoir de ce petit froid, qui ne vous coûte tout au plus que la peine de souffler votre feu. Peut-être que ce petit froid nous fera payer encore notre vie aussi cher que l’année dernière ; c’est là que j’attends nos élégants, et c’est ce que Bouchereau saura trop bien nous dire.

Avez-vous vu le drôle de procès que fait Mme veuve Balzac à Dumas, qui veut absolument faire un tombeau de sa façon à son mari, avec les souscriptions du public, bien entendu ? Elle a raison, si elle a effectivement fait ce tombeau ; mais s’il est encore à faire après quatre ans, Dumas a raison de vouloir rendre à son confrère mort, qu’il détestait de son vivant, ce petit honneur qui ne lui coûtera rien.

Voilà le pauvre Lamartine[1] qui prend la plume, pour donner au public enfantin une édition expurgata de ses œuvres. La préface qu’il met en tête du recueil de ces œuvres choisies aurait grand besoin d’être elle-même purgée et surtout abrégée.
  1. Le tempérament poétique de Lamartine plaisait médiocrement à Delacroix, lequel d’ailleurs avait peine à oublier une ridicule méprise qui fit que le poète lui attribua innocemment un jour de misérables peintures d’un nommé Vinchon, et l’accabla d’éloges à leur propos.