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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

En somme, plus les tons différents seront mis à plat, plus l’arbre aura de légèreté.

Plus je réfléchis sur la couleur, plus je découvre combien cette demi-teinte reflétée est le principe qui doit dominer, parce que c’est effectivement ce qui donne le vrai ton, le ton qui constitue la valeur, qui compte dans l’objet et le fait exister. La lumière à laquelle, dans les écoles, on nous apprend à attacher une importance égale et qu’on pose sur la toile en même temps que la demi-teinte et que l’ombre, n’est qu’un véritable accident : toute la couleur vraie est là : j’entends celle qui donne le sentiment de l’épaisseur et celui de la différence radicale qui doit distinguer un objet d’un autre.

30 avril. — J’écris à Mme de Forget :

« Me voici encore à la campagne. Je ne puis m’arracher, je ne dirai pas aux ombrages de la forêt, car il y a à présent plus de pluie que de soleil, mais c’est ce qu’on demandait. Ce qui est fort triste, c’est la gelée qui a perdu les vignes de ce pauvre petit endroit et qui risque de compromettre la récolte en fruits. Qui croirait qu’une commune comme celle-ci porte à Paris pour quatre-vingt mille francs de cerises seulement ?
Je resterai encore une huitaine. J’ai l’air d’un Robinson, je suis aussi seul que lui. J’ai jeté sur le papier quelques idées de projets d’articles : malheureusement je n’ai pas ici les matériaux nécessaires