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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

pés plus tôt que les chênes. Le principe est plus facile à observer dans ce genre de feuilles.

Revenu agréablement. Cette étude des arbres de ma route m’a aidé à remonter le tableau du Tueur de lions, que j’avais mis hier, au milieu de ma fâcheuse disposition, dans un mauvais état, quoique la veille il fût en bon train. J’ai été pris d’une rage inspiratrice, comme l’autre jour, quand j’ai retravaillé la Clorinde, non pas qu’il y eût des changements à faire, mais le tableau était venu subitement dans cet état languissant et morne, qui n’accuse que le défaut d’ardeur en travaillant. Je plains les gens qui travaillent tranquillement et froidement. Je crois que tout ce qu’ils font ne peut être que froid et tranquille, et ne peut mettre le spectateur que dans un état pire de froideur et de tranquillité. Il y en a qui s’applaudissent de ce sang-froid et de cette absence d’émotion ; ils se figurent qu’ils dominent l’inspiration.

La pluie est arrivée avec abondance ; il a été impossible de sortir le soir, que j’ai passé à dormir et à me promener dans ma maison en faisant des projets. Je roule dans ma tête les deux tableaux de Lions[1] pour l’Exposition ; je pense aussi à l’allégorie du Génie arrivant à la gloire[2].

Sensation délicieuse, en me couchant fort tard, de

  1. L’un d’eux est sans doute le tableau de Lions qui figure au Musée de Bordeaux, et dont toute la partie supérieure a été détruite dans un incendie du Musée. (Voir Catalogue Robaut, nos 1242 et 1278.)
  2. Voir Catalogue Robaut, nos 727, 728.