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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

trer. Le pauvre homme, à ce qu’il paraît, est venu se consoler de ses ennuis dans des lieux plutôt propres à les lui rappeler. Il a amené, dit-on, une créature pour l’aider à conjurer ses souvenirs… Il venait hier acheter des épingles.

22 avril. — Mauvaise disposition toute la matinée, occasionnée par un mauvais cigare. Mauvaise besogne, par conséquent ; arrangé ou gâté la Clorinde ; c’est celui-là maintenant qui est en reste. Il faudrait, par un effort héroïque, le remettre à flot.

Sorti vers deux heures et demie avec ma bonne Jenny. Nous avons pris l’allée de l’Ermitage, tout du long ; nous avons rencontré un troupeau de moutons qui m’a intéressé. Quelle sympathie j’éprouve pour les animaux ! Que ces créatures innocentes me touchent ! Quelle variété la nature a mise dans leurs instincts, dans leurs formes que j’étudie sans cesse, et à quel point elle a permis que l’homme devînt le tyran de toute cette création d’êtres animés et vivant de la même vie physique que lui ! Pendant que ces pauvres animaux étaient occupés à paître, la tête collée à la terre, un rustre insouciant les gardait assez indolemment, en attendant que le boucher les reçoive de lui et s’en empare. Un jeune chien tenu en laisse se tenait près du berger et suivait des yeux un autre chien, son frère, plus expérimenté et occupé sans relâche à réunir le troupeau. Il faisait son éducation, toujours au profit de l’homme et de ses