Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Le soir, promenade avec Jenny sur la route toute poudreuse.

J’écris à Mme de Forget :

« Je vous écris par le plus beau temps possible, qui afflige tout le monde, en commençant par la terre. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu pareille chose en cette saison ; les bons agriculteurs sont aux abois ; l’herbe est sèche dans la forêt, comme dans les plus grandes chaleurs du mois d’août, et les récoltes donnent de l’inquiétude, si ce n’est celle du vin qui viendrait pour nous consoler de l’absence des autres. Pour moi, en particulier, je ne retire que de l’agrément de ce qui cause cette inquiétude, mais j’en ferais volontiers le sacrifice en vue du bien général et des conséquences. Pour ne parler que de l’agrément, les feuilles ne poussent pas, ce qui nuit au paysage et ôte l’ombre qu’on peut très bien regretter, à cause de la chaleur inusitée du soleil. Je travaille à la peinture ; la littérature, en ce moment, ne m’inspire pas.
Je dois vous dire, pour votre édification, que j’ai reçu, avant mon départ, mon diplôme d’académicien d’Amsterdam, orné des armes des Pays-Bas et avec les parafes nécessaires ; seulement il m’est impossible de comprendre un seul mot de ce titre authentique. Il faudra que j’aille en Hollande me le faire lire quelque jour. En attendant, je me promène avec un certain contentement de moi-même, assuré maintenant que je n’ai pas tout à fait perdu mon temps,