Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

l’idée principale par de continuelles répétitions ?

Une lettre, un morceau de prose ou de poésie présente une déduction et un ensemble qui ressortent du développement des idées naissant les unes des autres, et pas par la répétition d’une phrase qui sera, si l’on veut, le point capital de la composition.

Les musiciens ressemblent en cela aux prédicateurs qui répètent à satiété et fourrent partout la phrase qui sert de texte à leur discours.

Je me rappelle, dans ce moment, plusieurs airs de Mozart dont la logique et la déduction sont admirables, sans que le motif principal soit répété : l’air Qui l’odio non facunda, le chœur des prêtres de la Flûte enchantée, le trio de la Fenêtre, de Don Juan, le quintette, idem, etc. Ces derniers sont des morceaux de longue haleine, ce qui augmente le mérite. Dans ses symphonies, il répète quelquefois à satiété le motif principal ; peut-être, en cela, se conforme-t-il à des usages établis. Cet art-là me semble plus assujetti que les autres à des habitudes pédantesques de métier, qui donnent une satisfaction aux gens purement musiciens, mais qui fatiguent toujours les auditeurs peu versés dans la curiosité du métier, telle que les fugues, les rentrées savantes, etc.

Ces répétitions du motif me paraissent être occasionnellement, comme je le disais, une source de jouissances, quand elles sont employées à propos, mais elles donnent moins le sentiment de l’unité, qu’elles ne fatiguent quand l’unité ne ressort pas natu-