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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

plet et surtout incohérent. À cette séance, les artistes votaient ensemble ; ils avaient la raison pour eux ; les autres ne comprennent que confusément ; ils n’ont pas de notions claires.

Ce n’est pas à dire que, si je gouvernais, je remettrais les questions d’art, par exemple, à des commissions d’artistes. Les commissions seraient purement consultatives, et l’homme de mérite qui les présiderait n’en ferait qu’à sa tête après les avoir écoutées. Réunis et seuls du métier, chacun reprend promptement son point de vue étroit ; opposés à des gens tout à fait incapables, les avantages certains et généraux ressortent à leurs yeux, et ils les font ressortir avec succès.

Ceci est contre les républiques. On objecte celles qui ont jeté de l’éclat ; j’en vois la raison dans l’esprit traditionnel qui a survécu à tout, chez ces républiques, dans certains corps chargés du maniement des affaires. Les républiques les plus célèbres sont les aristocratiques. Un noble, comme un plébéien, pourvu qu’il ait du sens, comprendra l’intérêt du pays ; mais le plébéien est un membre d’un corps qui n’est nulle part ; le noble, au contraire, n’est quelque chose que par la tradition et par l’esprit conservateur qui lui rend plus chère encore une patrie à la tête de laquelle le placent ces institutions qu’il a mission de défendre : Venise, Rome, l’Angleterre, etc., sont des exemples. L’esprit national ne se retrouvera dans le peuple que quand il se trouvera directement en face d’inté-