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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

ment que vous n’avez pas reçu comme une inspiration naturelle dans l’exercice d’un ministère et dans les méditations d’une situation qui vous rapproche de la source de toute vertu ? L’attendriez-vous de ceux que vous appelez vos amis, quand vous ne l’avez pas senti en dedans de vous, dans le silence du sanctuaire ? Quoi ! vous approchez le Saint des saints ! vous vivez dans la communion des élus ! vous montez dévotement en chaire et les yeux baissés modestement comme pour interroger les replis de votre cœur, ou bien, les mains et les regards élevés comme pour attester l’auteur des saintes inspirations, vous étalez devant de tristes et faibles humains la corruption de leur nature, vous la leur faites toucher du doigt ! Vous êtes ménager devant eux de ces promesses qui encourageraient, consoleraient leurs aspirations vers le bien ; vous tonnez quelquefois, vous êtes la voix de Dieu lui-même ! mais vous savez bien ce que c’est que cet instrument et quel est cet organe dont il se sert pour faire arriver sa parole jusqu’à ses créatures déshéritées. Oui ! cette voix, en passant par vos lèvres, et je ne dis pas votre cœur, pour arriver à ces cœurs abattus, pour effrayer même les justes, cette voix, dis-je, réveille malgré vous dans vous-même un sentiment importun. Vous ne pouvez avoir aboli, à ce point, dans votre être, le sentiment du juste, qu’il ne se passe en vous un tumulte qui troublera et attristera la sécurité que la vue du monde, comme il est, vous a accoutumé à regarder comme la paix de