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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Vous êtes avocat, vous défendez et vous faites triompher le client per fas et nefas, et il n’y a rien à dire, c’est le devoir ! réussir surtout. Avoir défendu le client en pure perte avec tout le talent et la conscience imaginables, fâcheux accident, dont il faut se relever par un succès obtenu, s’il est nécessaire, dans un cas plus douteux, près de juges prévenus, en s’appuyant sur toutes les circonstances préparées ou fortuites qui concourent ordinairement à tous les succès.

Vous êtes l’archevêque de Cavaignac et sa créature ; sa main vous a tiré de l’obscurité du néant. Vous serez l’archevêque de Napoléon, vous le consacrerez comme l’élu d’un grand peuple : la mitre commande. Vous n’êtes plus l’archevêque de Cavaignac, vous êtes l’archevêque de Paris. Vous entonnez le Salvum fac imperatorem avec tranquillité ; vous recevez l’encens d’une manière convenable. Vous ne serez pas sorti de votre devoir, de ceux que demande et dont se contente le public.

Il n’y a pas une voix qui vous crie que vous devez prêter à la critique, pas une voix, celle de votre conscience moins que les autres, qui vous avertisse en secret. Qui donc, si vous ne vous le donnez vous-même, vous donnerait ce charitable avertissement ? Je le dis charitable, dans l’intérêt de votre triste honneur, non dans celui des nécessités de votre position, des nécessités du bien vivre, du paraître. Qui vous le donnerait, cet avertisse-