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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dit, que Schiller dans son Guillaume Tell ? et cependant il n’a jamais rien vu de la Suisse. » Meyerbeer est maître en cela : les Huguenots, Robert, etc. Cousin ne trouvait pas la moindre couleur locale dans Racine, qu’il n’aime point ; il se figure que Corneille, dont il est engoué, en est plein. Je disais sur Racine ce que je pense et ce qu’on doit en dire, c’est-à-dire qu’il est trop parfait ; que cette perfection et l’absence de lacunes et de disparates lui ôtent le piquant que l’on trouve à des ouvrages pleins de beautés et de défauts à la fois. Il me disait à satiété que ses idées étaient prises partout et n’étaient que des traductions. Il me citait je ne sais combien d’exemplaires d’Euripide ou de Virgile annotés de sa main, de manière à en tirer des vers tout faits… Que de gens ont annoté Euripide et tous les anciens, sans en tirer la moindre parcelle de quoi que ce soit qui ressemble à un vers de Racine ! Mme Sand me disait la même chose : ce sont là de ces curiosités de gens de métier ! La langue d’un grand homme parlée par lui est toujours une belle langue. Autant vaudrait-il dire que Corneille, qui est très beau dans notre langue, aurait été plus beau encore en espagnol ! Les gens de métier critiquent plus finement que les autres, mais ils sont entêtés des choses de métier. Les peintres ne s’inquiètent que de cela. L’intérêt, le sujet, le pittoresque même, disparaissent devant les mérites de l’exécution, j’entends de l’exécution scolastique.

En relisant ce que j’ai dit de Meyerbeer, à propos