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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

montrent tous dans la même heure, à de certains moments.

Je me suis sauvé aussitôt que je l’ai pu, pour m’ôter de ce lieu ennuyeux et pour aller à pied à travers les Champs-Élysées, chez la princesse, où j’espérais avoir un peu de musique et un peu de thé. Je l’ai trouvée attablée au piano avec son professeur K… Justement elle jouait avec lui de sa musique. Le morceau finissait heureusement, et je n’ai pas été mis dans la nécessité de faire même une grimace d’approbation. Elle a joué après, et probablement à mon intention, un morceau de Mozart, à quatre mains, de sa jeunesse. L’adagio superbe. Revenu, bien malgré moi, avec l’ennuyeux K…

Jeudi 8 décembre. — J’étais invité à aller chez Mlle Brohan[1], et, après avoir fait ma promenade, par un froid piquant, mais agréable, après laquelle je devais rentrer pour aller la voir, je suis resté à lire le deuxième article de Dumas sur moi, qui me donne une certaine tournure de héros de roman. Il y a dix ans, j’aurais été l’embrasser pour cette amabilité : dans ce temps-là, je m’occupais beaucoup de l’opinion du beau sexe, opinion que je méprise[2] entiè-

  1. Augustine Brohan avait débuté en 1841, à seize ans, à la Comédie-Française, avec un immense succès. Elle devint sociétaire l’année suivante. Son talent, sa grâce et son esprit lui assurèrent une situation exceptionnellement brillante.
  2. Voici une anecdote intéressante rapportée par Baudelaire, et qui mérite d’être rapprochée de ce passage : « Je me souviens qu’une fois