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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qu’elle a changé de demeure, ses amis ont changé d’habitudes ; quelques pas de plus, une petite pente à monter, les a tous découragés… Ils viennent le jour où elle les invite à dîner.

Lundi 28 novembre. — Première représentation de Mauprat[1]. Toutes les pièces de Mme Sand offrent la même composition, ou plutôt la même absence de composition : le début est toujours piquant et promet de l’intérêt ; le milieu de la pièce se traîne dans ce qu’elle croit des développements de caractères et qui ne sont que des moyens d’ouvrager l’action.

Il semble que dans cette pièce, comme dans les autres, à partir du deuxième acte jusqu’à la fin, — et il y en a six ! — la situation ne fait pas un pas ; le caractère indécrottable de son jeune homme à qui on dit sur tous les tons qu’on l’aime, ne sort pas du désespoir, de l’emportement et du non-sens. C’est juste comme dans le Pressoir.

Pauvre femme ! elle lutte contre un obstacle de nature qui lui défend de faire des pièces ; c’est au-dessous des plus minces mélodrames sous ce rapport ; il y a des mots pleins de charme ; c’est là son talent. Ses paysans vertueux sont assommants ; il y en a deux dans Mauprat… Le grand seigneur est également vertueux, la jeune personne irréprochable…

  1. Le roman de Mauprat avait été l’un des plus grands succès de George Sand, un de ceux qui avaient le plus contribué à rendre son nom populaire. Transporté à la scène, dans un drame en six actes, il fut joué à l’Odéon ; mais la pièce n’eut pas le succès du livre.