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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

beaucoup, mais je ne suis pas formé des mêmes éléments, et nous ne recherchons pas le même but. Son public n’est pas le mien ; il y en a un de nous qui est nécessairement un grand fou.

Il me laisse les premiers numéros de son journal, qui est charmant.

Samedi 26 novembre. — J’ai le torticolis ; le temps est sombre ; je me promène dans mon atelier ou je dors.

Fait quelques croquis d’après la suite flamande des Métamorphoses.

A quatre heures été chez Rivet, que j’ai trouvé plus affectueux que jamais. Il me parle avec grand plaisir de la répétition du Christ au tombeau, de Thomas[1].

Le soir, Lucrezia Borgia[2] : je me suis amusé d’un bout à l’autre, encore plus que l’autre jour, à la Cenerentola. Musique, acteurs, décorations, costumes, tout cela m’a intéressé. J’ai fait réparation, dans cette

    auquel il convient de rendre justice pour son indépendance d’allure : « Delacroix, avec son Massacre de Scio, autour duquel se groupaient pour discuter, les peintres de tous les partis, Delacroix qui en peinture, comme Hugo en littérature, ne devait avoir que des fanatiques aveugles ou des détracteurs obstinés, Delacroix qui était déjà connu par son Dante traversant le Styx et qui devait toute la vie conserver ce privilège rare pour un artiste, de réveiller à chaque œuvre nouvelle les haines et les admirations : Delacroix, homme d’esprit, de science et d’imagination qui n’a qu’un travers, c’est de vouloir obstinément être le collègue de M. Picot et de M. Abel de Pujol, et qui par bonheur, nous l’espérons du moins, ne le sera pas. »

  1. Voir Catalogue Robaut, nos 1035-1037.
  2. Opéra de Donizetti.