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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

homme rempli de sentiment, mais sa main l’entraînait, et c’est ce sacrifice des plus nobles qualités à une malheureuse facilité, qui fait déchoir aujourd’hui ses ouvrages, et les marque d’un cachet de faiblesse, comme ceux des Vanloo.

Il y a de quoi beaucoup réfléchir sur cette visite que j’ai faite hier, et il serait bon de la renouveler de temps en temps.

Mercredi 23 novembre. — Dîné chez Boissard avec Arago et une petite dame Aubernon[1], qui fait de l’esprit et qui en a. Le pauvre Chenavard devait venir ; il est très entrepris de sa maladie de larynx, et inspire des craintes. Boissard, souffrant de névralgie, est triste comme un homme pris au piège.

Jeudi 24 novembre. — Promenade le soir dans la galerie Vivienne, où j’ai vu des photographies chez un libraire. Ce qui m’a attiré, c’est l’Elévation en

    qui porte la date du 30 novembre 1861. Elle contient une courte biographie de l’artiste qui avait été le camarade d’atelier de Delacroix. Nous en extrayons le passage suivant : « Je ne pouvais me lasser d’admirer sa merveilleuse entente de l’effet et la facilité de son exécution ; non qu’il se contentât promptement. Au contraire, il refaisait fréquemment des morceaux entièrement achevés et qui nous paraissaient merveilleux ; mais son habileté était telle qu’il retrouvait à l’instant sous sa brosse de nouveaux effets aussi charmants que les premiers. Il tirait parti de toutes sortes de détails qu’il avait trouvés chez des maîtres et les rajustait avec adresse dans sa composition. » (Corresp., t. II, p. 278, 279.)

  1. Le salon de cette petite dame Aubernon allait devenir rapidement le rendez-vous de tout le monde artistique et littéraire ; il est encore aujourd’hui fort recherché des hommes de lettres et des artistes.