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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

beautés ? de ces malheureux qui, n’étant poussés par aucun sentiment, s’attachent aux côtés critiquables ou ridicules du plus grand talent, pour les imiter sans cesse, sans comprendre que ces parties faibles ou négligées sont l’accompagnement regrettable des belles parties qu’ils ne peuvent atteindre ?

Dimanche 20 novembre. — Rubens n’est pas simple, parce qu’il n’est pas travaillé.

J’ai été voir la bonne Alberthe, que j’ai trouvée sans feu, dans sa grande chambre d’alchimiste, et dans une de ces toilettes bizarres, qui la font ressembler à une magicienne. Elle a toujours eu du goût pour cet appareil nécromancien, même dans le temps où sa beauté était sa plus véritable magie. Je me rappelle encore cette chambre tapissée de noir et de symboles funèbres, sa robe de velours noir et ce cachemire rouge roulé autour de sa tête, toutes sortes d’accessoires qui, mêlés à ce cercle d’admirateurs qu’elle semblait tenir à distance, m’avaient passagèrement monté la tête… Où est le pauvre Tony ?… Où est le pauvre Beyle ?… Elle raffole aujourd’hui des tables tournantes : elle m’en a conté des choses incroyables. Les esprits se logent là dedans ; vous forcez à vous répondre à votre gré, tantôt l’esprit de Napoléon, tantôt celui d’Haydn et de tant d’autres ! Je cite les deux qu’elle m’a nommés… Comme tout se perfectionne !… Les tables vont aussi faisant du progrès ! Dans les commencements, elles frappaient