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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

surprenants de naturel des conversations sans goût et interminables, que dans Virgile et Racine, où toutes ces inventions sont à leur place et exprimées avec une forme convenable ? Il me semble que le dernier cas est celui qui offre le plus de difficultés ; car vous n’exceptez pas ceux de ces divers génies qui sont plus conformes à ce que le Spectateur appelle les règles de l’art, de vérité et de vigueur dans leurs peintures.

À quoi servirait le plus beau style et le plus fini sur des pensées informes ou communes ? Les premiers de ces hommes remarquables sont peut-être comme ces mauvais sujets auxquels on pardonne de grandes erreurs en faveur de quelques bons mouvements. C’est toujours l’histoire de l’ouvrage fini comparé à son ébauche — dont j’ai déjà parlé, — du monument qui ne montre que ses grands traits principaux, avant que l’achèvement et le coordonnement de toutes les parties lui aient donné quelque chose de plus arrêté et par conséquent aient circonscrit l’effet sur l’imagination, laquelle se plaît au vague et se répand facilement, et embrasse de vastes objets sur des indications sommaires. Encore, dans l’ébauche du monument, relativement à ce qu’il présentera définitivement, l’imagination ne peut-elle concevoir de choses trop dissemblables avec ce que sera l’objet terminé, tandis que dans les ouvrages des génies à la Pindare, il leur arrive de tomber dans des monstruosités, à côté des plus belles conceptions… Corneille est plein de ces