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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

par une autre route. J’ai trouvé tout à coup un petit sentier charmant rempli de thyms et de genévriers, et je me suis trouvé, à cette hauteur, au milieu des champs cultivés, des blés mûrs, et des prairies un peu en pente, à la vérité. Après avoir gravi de l’autre côté parmi les rochers, on trouve ici un tout autre aspect… Cette course a été au moins de trois heures.

— Dans la journée, je me suis mis sérieusement à l’article de Mme Cavé[1].

— J’ai résolu, ce qui m’a réussi, de boire l’eau avant le dîner. Après le dernier verre, vers cinq heures, je suis retourné dans ces charmantes prairies, qui longent la Lahn, en passant le pont et en prenant à gauche. J’étais tout rempli d’idées que le travail de la journée me faisait naître. Tout me semblait facile. J’aurais fait, je crois, l’article d’une haleine, si j’avais eu la force d’écrire pendant le temps nécessaire.

J’écris ceci le lendemain, c’est-à-dire le lundi, et ce beau feu s’est refroidi. Il faudrait, comme lord Byron, pouvoir retrouver l’inspiration à commandement. J’ai peut-être tort de l’envier en ceci, puisque dans la peinture j’ai la même faculté ; mais soit que la littérature ne soit pas mon élément ou que je ne l’aie pas encore fait tel, quand je regarde ce papier rempli de petites taches noires, mon esprit

  1. Cet article sur l’enseignement du dessin parut dans la Revue des Deux Mondes, du 15 septembre 1850. Delacroix l’avait écrit à propos du livre de Mme Élisabeth Cavé : Le dessin sans maître.