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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

mer, mettre de l’ordre. La nécessité d’écrire à tant la page est la funeste cause qui minerait de plus robustes talents encore. Ils battent monnaie[1] avec les volumes qu’ils entassent ; le chef-d’œuvre est aujourd’hui impossible.

Jeudi 20 octobre. — Quelle adoration que celle que j’ai pour la peinture ! Le seul souvenir de certains tableaux me pénètre d’un sentiment qui me remue de tout mon être, même quand je ne les vois pas, comme tous ces souvenirs rares et intéressants qu’on retrouve de loin en loin dans sa vie, et surtout dans les toutes premières années.

Hier je revenais de Fromont, où je me suis fort ennuyé : j’arrive chez Mme Villot, à qui j’avais à rapporter son ombrelle de la part des habitants de Fromont. Elle était là avec Mme Pécourt, qui a parlé des tableaux de son mari[2]. Là-dessus, Mme V… a rappelé quelques-uns de ceux de Rubens qu’elle a vus à Windsor. Elle a parlé d’un grand portrait équestre, d’une de ces grandes figures d’autrefois, armées de toutes pièces, avec un jeune homme près de lui. Il m’a semblé que je le voyais. Je sais beaucoup de ce que

  1. Ce jugement dans lequel Delacroix réunit Véron, Dumas et George Sand, rappelle un fragment d’étude de Barbey d’Aurevilly sur George Sand, où il parle de cette littérature dont elle a fait métier et marchandise. Nul passage dans le Journal du maître ne nous semble mieux venir à l’appui de ce que nous avons dit dans notre Étude à propos de ses appréciations sur les contemporains.
  2. Pécourt, peintre demeuré obscur.