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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

plus prononcées et les choses inutiles éloignées, en introduisant aussi le degré d’élégance que je sentais nécessaire pour atteindre à l’impression du sujet.

Il est donc beaucoup plus important pour l’artiste de se rapprocher de l’idéal qu’il porte en lui, et qui lui est particulier, que de laisser, même avec force, l’idéal passager que peut présenter la nature, et elle présente de telles parties ; mais encore un coup, c’est un tel homme qui les y voit, et non pas le commun des hommes, preuve que c’est son imagination qui fait le beau, justement parce qu’il suit son génie.

Ce travail d’idéalisation se fait même presque à mon insu chez moi, quand je recalque une composition sortie de mon cerveau. Cette seconde édition est toujours corrigée et plus rapprochée d’un idéal nécessaire ; ainsi, il arrive ce qui semble une contradiction et qui explique cependant comment une exécution trop détaillée comme celle de Rubens, par exemple, peut ne pas nuire à l’effet sur l’imagination. C’est sur un thème parfaitement idéalisé que cette exécution s’exerce ; la surabondance des détails qui s’y glissent, par suite de l’imperfection de la mémoire, ne peut détruire cette simplicité bien autrement intéressante qui a été trouvée d’abord dans l’exposition de l’idée, et, comme nous venons de le voir à propos de Rubens, la franchise de l’exécution achève de racheter l’inconvénient de la prodigalité des détails. Que si, au milieu d’une telle composition, vous introduisez une partie faite avec grand soin d’après le modèle, et si