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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

l’année dernière ; mais il est interdit au jury de lui témoigner sa satisfaction[1]. Par contre, voici une Annonciation de M. Jalabert[2], qui est un tableau de deuxième médaille. Or, M. Jalabert l’ayant obtenue déjà, lui donnera-t-on la première, qui est une récompense supérieure au mérite de son tableau de cette année ? Si vous êtes juste et si vous suivez le règlement, vous ne lui donnerez rien, et cependant il mérite quelque chose. Doit-on assimiler les artistes qui mettent au Salon à ces élèves de petites pensions, dans lesquelles le maître, pour encourager les parents encore plus que les élèves, donne des prix à tout le monde ? Si le but des récompenses est de s’adresser à ce qui est supérieur dans une exposition, il faut récompenser tout ce qui s’élève, mais dans la juste proportion du mérite de l’œuvre, et si l’artiste présente dans son ouvrage la dose de talent qui lui attribue la troisième, la deuxième ou la première médaille, il est juste qu’il l’obtienne, quand même il l’aurait déjà obtenue ; ce serait un meilleur moyen d’entretenir l’émulation et de donner quand même des récompenses, de telle sorte que tout homme doué d’une dose de talent raisonnable puisse

  1. Ziem obtint cependant une médaille de première classe avec cette Vue de Venise, qui a pris place au Musée du Luxembourg.
  2. Jalabert, peintre, élève de Delaroche. Théophile Gautier écrivait à propos de lui : « Le talent de cet artiste a quelque chose de tendre et de délicat, de féminin qui charme et vous empêche de lui désirer plus de force. Ce n’est pas qu’il ne puisse s’élever à la vigueur lorsqu’il le veut, mais sa vraie nature est la grâce. »