Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

l’idée la plus drôle du monde : on parlait de la quantité d’enfants qu’on rencontre à Soisy… « Au fait, dit-elle, que pourraient-ils faire dans un endroit si triste ? On n’y a pas de vue : il faut bien se distraire par quelque chose. »

Le soir, en revenant, les étoiles, qui n’avaient pas paru depuis quelques jours, ont brillé de tout leur éclat. Quel spectacle au-dessus de ces masses noires que forment les arbres, ou aperçues à travers les branches ! J’ai été au jardin de Gibert, et j’ai retrouvé la même odeur divine qui m’avait déjà charmé, mais un peu affaiblie… Je m’en suis éloigné avec peine.

Je crois enfin que je partirai demain. J’ai peut-être un peu moins de plaisir, non pas parce que je suis ici depuis longtemps, mais parce que j’ai arrêté de partir. Je me dis souvent, en pensant à l’amertume qui se joint toujours à tous les plaisirs : Peut-on être véritablement heureux dans une situation qui doit finir ? Cette appréhension de la rapidité et du néant, à la fin, gâte toute jouissance.

Mercredi 8 juin. — Parti le soir à huit heures. — Toute la journée disposition décousue, à cause du départ. — Vu le maire vers trois heures ; dîné à quatre heures. Après dîner, sorti un peu par la porte du jardin. Été jusqu’à la source aux peupliers.

Paris, vendredi 10 juin. — Au Salon le matin, avant le conseil. Je ne remarque rien de très extraor-