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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

vois pas, je suis comme le métal insensible… Quand je suis près deux, après les premiers instants pour réchauffer cette glace, je retrouve peu à peu les mouvements d’autrefois : je me fonds près d’eux… peut-être qu’ils sont eux-mêmes étonnés de se sentir amollir, mais je parie que je garde plus longtemps qu’eux la secousse de cette étincelle du souvenir. Nul vil intérêt ne m’éloigne deux. Quand je vois dans mes rêves des gens qui sont mes ennemis, et dont la vue m’offense, quand je suis éveillé, je les trouve charmants, alors je m’entretiens avec eux comme avec des amis, je me sens tout étonné de les trouver si aimables : je me dis, dans ma simplicité de somnambule, que je ne les avais pas assez appréciés, et que je ne leur rendais pas justice ; je me promets de les rechercher et de les voir. Est-ce qu’en rêvant, je devine leurs qualités, ou est-ce qu’en étant éveillé, ma méchanceté, si j’en ai réellement autant qu’eux, s’obstine à ne voir que leurs défauts, ou bien suis-je tout simplement meilleur quand je dors ?

Mardi 31 mai. — Pluie toute la journée ou brouillard. Je n’ai pas quitté ma chambre et m’en suis tiré en travaillant à l’article : j’ai écrit ou copié beaucoup.

Après dîner, continuation de la même disposition ;

    qu’il n’y a, semble-t-il, aucune indiscrétion à les marquer. Nous rappelons à ce propos ce que nous avons dit dans notre Étude sur le sentiment d’amitié chez les hommes supérieurs en général, et chez Delacroix en particulier. (Voir t. I, p. xiii, xiv.)