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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sions comme vous dirigez les aérostats ! Abolissez surtout les passions mauvaises, qui, dans les cœurs, n’ont pas perdu leur empire détestable, en dépit des maximes libérales et fraternelles de l’époque ! Là est le problème du progrès, et même du véritable bonheur. Il semble, tout au contraire, que nos instincts de convoitise ou de jouissance égoïste soient infiniment plus excités par toutes ces matérialistes améliorations.

Le désir d’un bonheur impossible, puisqu’il serait obtenu indépendamment de la satisfaction que donne la paix de l’âme, vient toujours se placer à côté de chaque nouvelle conquête et semble faire reculer la chimère de ce bonheur des sens. La fourberie et la trahison, l’ingratitude et la bassesse intéressée veillent toujours dans les cœurs ! Vous n’avez pas même pour les inventeurs de ces perfectionnements ingénieux la reconnaissance qu’il semble que vous leur devriez, si réellement vous vous trouvez heureux par leur moyen. Au lieu de leur dresser des statues et de les faire jouir les premiers de ce bien-être tant souhaité, vous les laissez mourir dans l’obscurité, ou vous permettez qu’on leur conteste, sous vos yeux, le mérite de leurs inventions.

Lundi 23 mai. — Toujours la même apathie le matin…

Quelques extraits de Balzac, mais c’est à cela que s’est borné mon effort. Je suis mécontent de moi, et