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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

je dois à l’obligeance de Durieu. Je leur ai fait faire l’expérience que j’ai faite moi-même, sans y penser, deux jours auparavant : c’est-à-dire qu’après avoir examiné ces photographies qui reproduisaient des modèles nus, dont quelques-uns étaient d’une nature pauvre et avec des parties outrées et d’un effet peu agréable, je leur ai mis sous les yeux les gravures de Marc-Antoine. Nous avons éprouvé un sentiment de répulsion et presque de dégoût, pour l’incorrection, la manière, le peu de naturel, malgré la qualité de style, la seule qu’on puisse admirer, mais que nous n’admirions plus dans ce moment. En vérité, qu’un homme de génie se serve du daguerréotype comme il faut s’en servir, et il s’élèvera à une hauteur que nous ne connaissons pas. C’est en voyant surtout ces gravures, qui passent pour les chefs-d’œuvre de l’école italienne, qui ont lassé l’admiration de tous les peintres, que l’on ressent la justesse du mot de Poussin, que « Raphaël est un âne, comparativement aux anciens ». Jusqu’ici, cet art à la machine ne nous a rendu qu’un détestable service : il nous gâte les chefs-d’œuvre, sans nous satisfaire complètement.

Dimanche 22 mai. — Mauvaise disposition, sommeil, lectures prolongées, néant complet…

M. Beck venu me surprendre dans le jardin : visite prolongée, vers cinq heures et demie, chez Mme Villot, qui n’était pas encore rentrée. J’ai été dans le jardin de la grande maison admirer les lilas, et je n’ai