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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

sentir autrefois ?… Je sentais en moi des mouvements irrésistibles de ce sentiment qui n’était pas en eux : j’étais devant des témoins, et non pas avec des amis.

Je les ai menés à la maison, puis à la forêt. Riesener a repris sa critique de la recherche d’un certain fini dans mes petits tableaux, qui lui semble leur faire perdre beaucoup, en comparaison de ce que donne l’ébauche ou une manière plus expéditive et de premier jet. Il a peut-être raison, et peut-être qu’il a tort. Pierret a dit, probablement pour le contredire, qu’il fallait que les choses fussent comme le sentait le peintre, et que l’intérêt passait avant toutes ces qualités de touche et de franchise. Je lui ai répondu par cette observation, que j’ai mise dans ce livre il y a quelques jours, sur l’effet immanquable de l’ébauche comparée au tableau fini, qui est toujours un peu gâté quant à la touche, mais dans lequel l’harmonie et la profondeur des expressions deviennent une compensation.

Au chêne Prieur, je leur ai montré combien des parties isolées paraissaient plus frappantes, etc. ; en un mot, l’histoire de Racine comparé à Shakespeare. Ils m’ont rappelé ma chaleur d’il y a quelques mois, quand je m’étais repris à relire ou à revoir au théâtre Cinna et quelques pièces de Racine ; ils ont confessé le souvenir de l’émotion que je leur ai communiquée, quand je leur en ai parlé.

Après dîner, ils ont regardé les photographies que