Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

qu’il n’y avait pas de séance ; j’ai déjeuné sur la place et, me trouvant réconforté, j’ai été à pied au Jardin des Plantes ; fait des études de lions et d’arbres, en vue du sujet de Renaud[1], par une chaleur très incommode, et au milieu d’un public très désagréable. Enfin, reparti à deux heures moins un quart et revenu par le bord de l’eau jusqu’à la maison. L’aspect de la rivière et de ses bords toujours ravissant quand je reviens ; c’est là où je sens que mes chaînes me quittent. Il semble qu’en traversant cette eau, je laisse derrière moi les importuns et les ennuis.

Lu, en déjeunant, l’article de Peisse[2] qui examine en gros le Salon et qui recherche la tendance des arts à présent. Il la trouve très justement dans le pittoresque, qu’il croit une tendance inférieure. Oui, s’il n’est question que de faire de l’effet aux yeux par un arrangement de lignes et de couleurs, autant vaudrait dire : arabesque ; mais si, à une composition déjà intéressante par le choix du sujet, vous ajoutez une disposition de lignes qui augmente l’impression,

  1. Voir Catalogue Robaut, no 1745.
  2. Louis Peisse, dont le nom a déjà paru dans le premier volume du Journal, écrivait à propos du Salon de 1853, et dans l’article auquel le maître fait allusion : « M. Delacroix est encore, après trente ans de travaux, un talent si contesté, sinon pour les artistes, du moins pour le public, qu’on ne peut se risquer à louer ses œuvres sans quelques précautions ou explications. Il faut évidemment, pour goûter sa peinture, une préparation, une habitude, qui, à ce qu’il paraît, ne s’acquiert pas toujours vite. Elle est comme certains mets de haut goût, qu’on n’arrive à apprécier qu’après bien des efforts, mais dont on est ensuite très friand. » (Constitutionnel, 31 mai 1853.)